L’évolution du créole de La Réunion

Initialement, le terme de « créole » est emprunté au portugais crioulo/criolo par l’intermédiaire de l’espagnol criollo, les deux dérivés du participe passé criado du verbe criar (latin creare) signifiant selon Valdman (1978 : 10), « élevé dans le foyer du maître, domestique ». En 1690, le terme désigne, dans le dictionnaire de Furetière, le nom que donnent les Espagnols à leurs enfants nés dans les colonies. Il a d’abord désigné des individus. La désignation des individus « créoles » apparaît diverse d’une île à l’autre. Par exemple, à l’île Maurice, il désigne les afro-mauriciens. A la Réunion, il désigne les blancs nés dans les colonies de parents européens et les enfants issus des colonies esclavagistes. Le terme « créole » désigne aujourd’hui davantage des langues que des individus. Les langues créoles sont présentes dans de nombreuses parties du monde. Les populations créolophones les plus importantes se trouvent aux Antilles et en Guyane. Les langues créoles français sont usitées dans les Antilles, en Amérique du Sud, au Canada, aux îles Seychelles, à l’île de la Réunion, à l’île Maurice et sa dépendance, etc. Le créole réunionnais est celui auquel on s’intéressera.

 

Pour connaitre la sociolinguistique de La Réunion, il faut d’abord analyser son histoire. En novembre 1663, deux Français, accompagnés de 10 Malgaches (7 hommes et 3 femmes), s’installent dans l’île. C’est le début de la colonisation. Les colons français arrivés à La Réunion parlaient notamment le « koiné d’oïl ». La première phase du processus de créolisation fût créée. Les esclaves étaient contraints d’apprendre la langue de leurs maîtres, un français non standard, une variété dialectale que parlait les colons provenant des provinces de France métropolitaine.

La transition de la première à la deuxième phase est marquée par l’augmentation du nombre d’esclaves, qui deviennent plus nombreux. La deuxième période émerge lorsque les premiers esclaves deviennent ainsi les instructeurs des nouveaux esclaves qui, pour communiquer avec les groupes sociaux de l’île, sont contraints d’apprendre le français. Les nouveaux esclaves ne sont pas en contact avec la langue cible des maîtres mais avec une approximation de la langue qui est apprise et pratiquée par les premiers esclaves.

À la fin des immigrations massives, le créole commence à perdre son rôle de médiateur, le français est enseigné à l’école à cause de son statut de langue officielle. Donc la coexistence du créole et du français à La Réunion est décrite désormais par le terme de « diglossie » : le créole réunionnais se trouve limité aux situations privées ou informelles et le français est la langue dotée du prestige social et utilisée dans les sphères officielles. La situation sociolinguistique réunionnaise ne se décrit pas uniquement par la cohabitation binaire du créole et du français. Les sociolinguistes parlent de continuum linguistique : le français créolisé se situe sur l’axe du continuum entre les pôles que sont le français régional et le créole (comme le schéma ci-dessous)2017-11-27_22h52_01

On peut comparer la situation linguistique réunionnaise, avec celle de La Martinique. Lorsque les premiers Français qui débarquèrent à La Réunion, ils venaient directement de France. Le créole réunionnais est donc un créole de première génération. Cependant en Martinique, les colons étaient accompagnés d’anciens colons ayant déjà colonisés d’autres territoires tropicaux et étant déjà créolisés. Chaudenson qualifie le créole martiniquais comme étant de deuxième génération.

La population servile conduite à La Réunion venait principalement de Madagascar et de l’Afrique de l’Est, alors que celle de la Martinique provenait d’Afrique de L’Ouest et parlaient des langues différentes.

A La Réunion, les Noirs de type africains se métissèrent de plus en plus avec d’autres Réunionnais d’origines ethniques diverses. En Martinique, Les Antillais immigrés, quant à eux, étaient souvent perçus comme des Africains, comme des étrangers, ayant une culture complètement différente. Cela rendait les échanges difficiles avec les autres ethnies en présence.

 

Bien que La Réunion et la Martinique adoptèrent toutes deux le français comme langue officielle, le créole martiniquais est plus éloigné du français que celui de La Réunion. À La Réunion, la frontière entre le créole et le français est plus difficile à distinguer alors qu’en Martinique, le « substrat africain » du créole martiniquais rend plus facilement celui-ci distinct du français.

 

Mais aujourd’hui, la situation sociolinguistique réunionnaise se trouve modifiée et ne cesse d’évoluer.